[Publié la première fois sur L'Amateur Chulalongkorn n° 25 août 2022, p. 38-40 - online.anyflip.com/dwvmi/blqe/mobile/?fbclid=IwAR1004MRvroqE-FsFxKpXNohOEIEL3ZbYlDtoeiImRW0VQQjm3j88mFy0cw ]
L’influence de la K-pop continue de résonner autour du monde grâce aux chansons des groupes comme BTS et Blackpink. Au même moment, un autre genre musical est de plus en plus reconnu : la T-pop ou Thaï-pop. Malgré la montée en popularité, beaucoup se soucient des obstacles qui pèsent sur cette industrie. Une question apparaît : est-ce que la T-pop a vraiment un potentiel prometteur ?
Par Peerachai (Kao) Pasutan
Pendant la croissance économique des années 1980, la musique thaïlandaise a été influencée par les styles occidentaux comme le rock et le disco, d'où les « pleng string » (chansons pop). Deux décennies plus tard, les courants de la K-pop et de la J-pop (pop japonaise) ont été introduits en Thaïlande. Même si d’autres genres de musique locaux restaient populaires, tel que le « luk-thung » (en dialecte), les styles musicaux étrangers influençaient beaucoup la T-pop. « Bien que le mot ‘T-pop’ existe depuis longtemps, ce n’était pas la T-pop proprement dite ; on traduisait des chansons coréennes en thaï ou on adoptait tout ce qui provenait de l’étranger », estime Chatchai Ngamsirimongkhonchai, le guiariste du groupe rock de Lomosonic. Par exemple, basé sur le modèle d’AKB48, le groupe pop féminin thaïlandais de BNK48 a été créé en 2017. Au début, celui-ci a traduit des chansons du groupe japonais, telles que Koisuru Fortune Cookie et Shonichi (Premier Jour) avant de produire ses morceaux originaux.
D’après Chatchai, le guitariste de Lomosonic, la T-pop vient de trouver ses charmes. « Ces dernières années, ce qu’on écoute, c’est la véritable T-pop. Aucun pays ne compose des chansons comme nous le faisons », pense-t-il. Beaucoup d’artistes intègrent souvent les genres étrangers avec ceux locaux. Par exemple, le groupe de TaitosmitH fait revivre des « pleng puea chiwit » (morceaux folks qui racontent généralement la vie de la classe ouvrière) en les mélangeant avec de la hip-hop ou du rock.
Grâce à Internet, les artistes de nouvelles générations peuvent gagner en popularité en Thaïlande et à l’étranger, à l’image de la rappeuse Milli, le chanteur Phum Viphurit et le groupe LGBTQIA de 4MIX. D’autant qu’en 2021, certains morceaux de T-pop ont réussi à monter aux classements de Billboard, comme le single hip-hop « Tonne » (ทน ; Supporte-moi), devenue la première chanson thaïlandaise à rentrer dans le Billboard Global 200. En collaboration avec Sam Kim, l’acteur-artiste Mew Suppasit a lancé son morceau « Before 4:30 (She Said…) » en le classant no. 8 sur Billboard R&B/Hip-Hop Digital Song Sales, un classement dominé par les rappeurs américains. « Les Thaïlandais sont aussi créatifs dans le domaine artistique et
musical que ceux d’autres pays et je suis content de voir les nouveaux talents être reconnus au niveau international », se félicite Prakarn Raiva, le leader du groupe rock-électronique de Getsunova.
Selon Creative Economy Agency (CEA), le revenu annuel de l’industrie musicale thaïlandaise atteint 1,4 milliard de bahts (environ 38,25 millions d’euros) avec une croissance de 6,5% par an. Malgré ces potentiels, la T-pop rencontre encore des obstacles. « Aux yeux du gouvernement, quand on parle de la « culture », elle se limite toujours aux temples, aux makuṭas, à la musique traditionnelle, etc., déplore Panthapol Prasarnratchakij, le responsable du label de Gene Lab. En revanche, ne sont pas considérées comme « culture » la musique contemporaine ou les idées non-conformistes à la perception conservatrice thaïe. »
« Il n’y a pas d’union de musiciens. Les lois sur la protection des propriétés intellectuelles ne sont pas efficaces non plus, continue Panthapol. En fait, ces propriétés ne peuvent être des garanties financières car le métier de musicien est considéré comme « instable » [par la société]. » L’agence de CEA remarque également le manque d’espaces publics pour que les musiciens organisent leurs concerts. La T-pop, malgré les efforts récents, ne peut donc développer tout son potentiel en raison de ces difficultés. Toutefois, l’espoir est réel. Ainsi, depuis 2021, créée par l’entreprise de divertissement Workpoint, l'émission « T-pop Stage Show » expose les talents de la T-pop. De son côté, la CEA propose des stratégies pour soulever l'importance des propriétés intellectuelles et encourager l’industrie musicale.
« Effectivement, le gouvernement doit agir plus. Néanmoins, tous les secteurs privés et publics doivent travailler aussi ensemble », conclut le chef de Gene Lab.
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Photos : [hautes] la rappeuse Milli et le groupe de 4MIX ; [basses] le chanteur-acteur Mew Suppasit et le duo SPRITE-GUYGEEGEE de la chanson 'ทน (Supporte-moi)'
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